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“Voyage en misarchie – Essai sur un autre monde possible” Emmanuel Dockès

Le 11 octobre , 18H00 au Bar à Vrac, 65 allée Léon Gambetta 13001 Marseille

Voyage en Misarchie – Essaie pour tout reconstruire d’Emmanuel Dockès (Professeur de droit à l’université Paris Ouest-Nanterre);

présenté par Manuel Mercier et Myriam Quatrini

L’auteur :

Emmanuel Dockès, est professeur de droit à Nanterre, spécialisé dans le droit du travail. Ses spécialités d’enseignement et de recherche se dévoilent dans l’écriture, ainsi que sa pensée politique.

Le livre :

C’est un roman-essai, qui peut rappeler certains comptes philosophiques, tel que « Zadig » de Voltaire. Il rappelle aussi des ouvrage plus récents comme « Ecotopia: The Notebooks and Reports of William Weston » de Ernest Callenbach, décrivant une société écologique qui a ensuite eu une influence sur la contre-culture et le mouvement écologiste dans les années 1970 aux Etats-Unis; ou « Walden Two » un roman utopiste et uchronique écrit par B. F. Skinner décrivant une communauté expérimentale libertaire basées sur des idées de psychologie cognitive comportementaliste.

Le titre :

Misarchie est un néologisme construit du grec ancien « mis » qui signifie « détester » et « archie » pour « le chef ». Une Misarchie est une société dont le principe est une réduction maximale des pouvoirs et des dominations. C’est une société qui s’articule sur la base volontaire de toute appartenance à une communauté et sur le respect optimal des différences. Ces principes directeurs sont mis en pratique à l’ensemble des champs sociaux.

Critique :

Comme le titre le suggère (‘un essai pour tout reconstruire’), le livre dévoile une ‘utopie réaliste’, basées sur des alternatives à nos travers de domination.

Dans un premier temps, le héros va rejeter ces nouveaux modes de fonctionnement. Puis, progressivement, il verra fondre son scepticisme et son dogmatisme dans la réflexion et la prise de conscience de l’importance des approximations et des compromis qui permettent au système misarchique d’être en constante évolution.

La critique majeure que l’on peut faire au livre est l’absence de questionnement sur des dimensions importantes de l’écologie, par exemple l’énergie, qui pourrait laisser poindre une vision techno-solutionniste. La dimension d’organisation politique est centrale et l’écologie abordée de façon indirecte ; par exemple au travers d’un consumérisme durable, des transports uniquement publiques, ou d’une discussion sur la souffrance animale,  sur le classement du vivant et l’humanisme. On pourrait souhaiter que l’écologie soit abordée plus directement, mais on peut aussi y voir un choix de l’auteur car elle apparaît en filigrane. Comme les friches dans Nehushtan, la capitale de l’Arcanie, ou dans les descriptions des autres lieux que l’on est amené à visiter et qui laisse entrevoir une forme d’harmonie entre l’activité humaine et son environnement.

Tout au long du roman on suit Sébastien Debourg, né en 1972 et professeur de droit à l’université de Cergy-Pontoise. Alors qu’il se rend à une conférence, son avion s’écrase en Arcanie où le régime politique n’est autre que la Misarchie. Gonflé de certitudes, il part seul chercher des secours. Au fil de ses rencontres il va progressivement découvrir le fonctionnement misarchiste dans l’ensemble des sphères de la vie.

Un des fils conducteurs de l’ouvrage est une histoire d’amour, qui va être à l’origine des changements de vie de Sébastien. Comme lui, on a parfois hâte de retrouver Clisthène (la femme dont il est amoureux) ; notamment lorsque le ton du récit transforme l’histoire de l’aventurier perdu en dialogue ostensiblement professoral ou platonicien. Les rencontres du professeur permettent de découvrir l’organisation de cette misarchie qui ne prétend pas garantir le bonheur de chacun. Ces respirations, entre deux dialogues exposant certains aspects de la vie en Arcanie de manière plus ou moins approfondie, permettent de constater la cohérence entre les vies individuelles rencontrées et le système présenté, par exemple par la mobilité effective entre les professions et l’absence de corrélation entre l’apparence physique des personnes, leur profession et leur « honorabilité ».

L’auteur dresse le tableau d’une société tolérante, où les mœurs sont libres, où chaque croyance est respectée. Cet essai ne prétend pas présenter une société idéale. Il ouvre des pistes de réflexion, suggère des éléments de solutions possibles. Cette lecture nous emmène hors des sentiers battus du carcan rigide de notre société en agglomérant des propositions plus ou moins connues avec une dynamique réflexive ; dans laquelle on voit souvent se profiler l’érudition de l’auteur en droit du travail.

L’intérêt de l’essai est la dimension non dogmatique d’une mise en application cohérente des principes d’organisation misarchiste. Quand la raison peut être tyrannique, parce qu’elle se veut d’une logique systématique, elle s’accompagne dans le roman par une dimension utopique assumée, par une part d’inachevé. C’est cette ouverture qui pousse lea lecteur.ice à poursuivre les réflexions développées au cours de l’histoire. Ainsi, l’auteur rend ses propositions acceptables par le fait de ne pas conduire sa logique jusqu’au bout, les affects et aspirations contraires sont pris en compte pour rendre la norme tolérable, bienveillante, respectueuse et finalement humaniste. 

Lectures :

[Associations, communautés et appartenances ; p.39-41]

[Districts, associations, tirages au sort, et autres outils de dislocation de l’état ; p.109-111, 112, 113,114-115]

[Retour sur les fondamentaux, les optionnels et le supplétif ; p.127-129]

[L’école et la plage ; p.244, 247]

[Demandeur d’emploi ; p.251-254]

[Animiste, économisme et autres pratiques ésotériques de l’occident ; p.265-268]

[Association de travailleur, entrepreneurs et Golden Shares ; p. 285-286, 289-291]

[Quand la propriété fond comme neige au soleil ; p.350-351]

[Ce qu’il est advenu du capital : la dette de l’entreprise aux travailleurs ; p.403-405]

[Approximation et compromis ; p. 493-495]


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Atecopol Aix-Marseille (11 octobre 2022). “Voyage en misarchie – Essai sur un autre monde possible” Emmanuel Dockès. Atecopol Aix-Marseille. Consulté le 18 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/d1yn


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