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LookUp, 13 mars 2022

L’urgence de la situation Climatique et environnementale appelle une mobilisation citoyenne déterminée et avertie.

L’Université et la recherche sont au cœur des enjeux auxquels nous confrontent les déséquilibres écologiques :

–  Quels savoirs élaborer pour appréhender le monde qui vient ?

– Quels professionnels former pour organiser la nécessaire bifurcation de nos modes d’existence ?

– Quelles valeurs promouvoir pour continuer à faire société dans les bouleversements en cours ?

Nous, membres de l’AteCoPol Aix marseille, en tant qu’enseignants, chercheurs, ingénieurs, techniciens, étudiants, pensons avoir un rôle essentiel à jouer vis-à-vis de ces enjeux, à l’intérieur de l’Université, mais aussi en relation avec l’ensemble de la société.

Notre objectif est de participer à la construction d’une communauté pluridisciplinaire de scientifiques travaillant ou réfléchissant aux multiples aspects liés aux bouleversements écologiques.

A l’intérieur de l’Université :

Nous entendons porter une parole militante et constructive, pour qu’elle adapte sa politique aux bouleversements en cours.

Notre rôle est, entre autres, d’inciter tous nos collègues, de tous les champs disciplinaires, à une participation et à une réflexion sur l’ensemble des enjeux.

En matière de formation, nous pensons que l’université doit garantir à chaque étudiant.e, dès le début de son parcours, un enseignement dédié aux causes et aux effets de la crise climatique et environnementale.

L’offre de formation doit aussi anticiper les métiers dont les sociétés auront de plus en plus besoin pour leur transition environnementale et énergétique. Les cursus doivent définir leurs objectifs pédagogiques au regard de ces enjeux, plutôt qu’à partir des attentes d’un monde économique encore trop ancré sur des objectifs de croissance, et qui peine à intégrer la sobriété ou la circularité comme paradigme.

Concernant nos champs d’intervention à l’extérieur de l’Université :

Il est pour nous essentiel que l’entrée en transition de nos sociétés soit démocratique. L’Atelier d’écologie politique d’Aix-Marseille aspire à partager « l’optimisme de l’action » avec d’autres collectifs, avec d’autres citoyens ; nous souhaitons « inter-agir » avec d’autres acteurs, débattre avec d’autres penseurs, dans la complémentarité, et au-delà du monde académique.

Nous projetons de développer une réflexion scientifique, critique et politique autour de la question de la transformation écologique de notre société. Nous souhaitons contribuer ainsi à accélérer l’entrée dans la transition écologique en alimentant le débat démocratique, en participant à des actions de réflexions ou d’expérimentations, pour lesquelles un éclairage scientifique est pertinent.

Notre démarche s’inscrit dans une vision transdisciplinaire, car cette transdisciplinarité est nécessaire pour aborder la complexité des bouleversements induits par nous – humains- sur notre environnement et sur les origines de ces bouleversements. Nos champs d’intervention incluent -entre autres- :

  • l’enseignement, via la construction de cours transdisciplinaires pour irriguer nos formations universitaires.
  • la diffusion du savoir et l’organisation de débats, de séminaires dans et en dehors de l’université, et la participation à des évènements, des rencontres, liées à l’écologie politique.
  • l’expertise auprès d’institutions ou de collectifs citoyens sous forme de formations, de partage ou d’élaboration de savoirs.

Nos objectifs sont donc de tisser des liens entre des connaissances dispersées et de réfléchir à la façon de les partager avec l’ensemble de la société, afin d’oeuvrer, avec elle, aux moyens de réorienter notre trajectoire en changeant en profondeur les modes de fonctionnement socio-économiques actuels.

Face aux menaces à très court terme liées à la crise climatique, beaucoup de chercheurs ressentent le besoin de partager et d’utiliser leurs savoirs pour tenter de modifier le cours de cette trajectoire. Mais ils peuvent se sentir impuissants face à la complexité des phénomènes et des enjeux qui dépassent très largement leurs disciplines.

Certains peuvent se sentir isolés, pris par leur quotidien professionnel, d’autres sont déresponsabilisés par l’injonction à tenir un discours scientifiquement neutre vis-à-vis des enjeux sociétaux, des valeurs en jeu, du politique en général.

Le discours scientifique sur les bouleversements environnementaux, fondé sur des recherches rigoureuses, est, de fait, politique, mais son impact reste limité, et sa prétendue neutralité le dépossède de toute influence. Parfois même, il est utilisé pour « verdir » les logiques d’investissement, d’innovation, de « gouvernance » et d’aménagement qui ont conduit à l’impasse écologique actuelle.

Nous affirmons au contraire que la responsabilité des chercheurs et chercheuses est proportion de leur savoir. Nous envisageons un programme de partage des connaissances et des méthodologies comme un outil pour dépasser cette relégation publique des connaissances scientifiquement fondées.

L’atécopol d’Aix-Marseille entend, entres autres, restituer la complexité et la multiplicité des phénomènes mêlant « nature et culture », en prise avec les interrelations entre humains et non-humains. Cela correspond à un programme encore peu présent au niveau institutionnel de la recherche en France : celui de l’écologie politique : prenant acte de la responsabilité sociétale découlant des observations scientifiques, il s’agit de mettre en dialogue, par des ateliers ouverts, les connaissances scientifiques avec les débats sociaux, économiques et politiques sur l’avenir qu’il reste à construire.

Interventions incarnées @ LookUp, 13 mars 2022

Chercheuse océanographe, mon métier par essence m’a amené à sillonner la planète, pour diverses raisons, pour des campagnes de terrain dans tous les océans du globe à bord de navires océanographiques, mais aussi pour des conférences, ou des réunions de travail avec des collègues étrangers. Juste avant la crise du covid, les marches du climat et la création de labos1point5 par une groupe de chercheurs qui voulaient comprendre l’impact de nos activités de recherche sur l’empreinte écologique ont secoué ma façon d’appréhender mon métier. Après avoir alerté la société du danger climatique, j’ai compris qu’on avait également un devoir d’exemplarité et que nous n’étions pas au-dessus des efforts qu’on appelle les autres à faire. Je me suis engagée à ne plus prendre l’avion pour des conférences internationales ou des réunions par exemple. Je travaille au bilan carbone de mon unité de recherche pour faire prendre conscience aux collègues de l’impact de leurs déplacements aériens qui représentent une grosse part de l’empreinte Carbone dans notre discipline et j’œuvre à développer une culture bas carbone au sein de mon unité de recherche. Avec d’autres collègues nous sommes devenus des formateurs Fresque du climat, et nous donnons cet atelier aux étudiants, aux personnels des labos et de la fac.

Karine Leblanc

Enseignant chercheur en informatique, j’ai rejoint l’atecopol d’Aix-Marseille pour toutes les raisons mentionnés par mes collègues. Une raison me tient peut-être plus à cœur, depuis une expérience qui a eu valeur de satori, de révélation. En marchant près d’un glacier en montagne, j’ai senti dans mon corps le changement climatique. J’ai senti la profonde angoisse, l’impuissance première, puis le besoin de comprendre et d’agir. Mon domaine, l’informatique, semblait aux antipodes de la crise environnementale. Et pourtant la rencontre avec le groupe Ecoinfo, du CNRS, m’a révélé que le numérique avait un impact écologique insoupçonné. Je ne pouvais même pas me réfugier derrière l’immatérialité apparente de ma discipline… Alors j’ai voulu transmettre ce que j’ai découvert et ce qui semble un puits sans fond, car le numérique est omniprésent dans nos vies. Le numérique est sans cesse en innovation, le numérique apporte constamment des promesses de sauver l’environnement. Et pourtant depuis vingt ans de révolution numérique, la révolution climatique attend encore.

Avec un groupe de quelques collègues nous nous sommes lancés dans un enseignement de 30H en Licence informatique sur le sujet des impacts du numérique. Loin de débats fermés où il faudrait se positionner en accélérateur ou au contraire en dénumérisateur de la société, nous cherchons à transmettre aux étudiants que notre activité numérique appelle à une prise de conscience. Qu’est ce qui se cache derrière ces fameux algorithmes ? Combien consomme le serveur où sont stockées les séries que nous regardons ? Pourquoi ne pourrions nous pas faire durer nos portables pendant dix ans au lieu de deux ?

Julien Lefèvre

Chercheuse en immunologie dans l’industrie pharmaceutique et passionnée par mon métier. J’ai assisté tout au long de ma carrière à l’accumulation d’études et de constats toujours plus alarmants sur l’état de santé du climat, du vivant, des écosystèmes et des populations exposées aux dérèglement climatique.

En 2018, le centre de recherche et développement dans lequel je travaillais a été fermé suite au rachat de l’entreprise. J’ai saisi cette occasion pour découvrir le milieu associatif et m’impliquer concrètement dans l’action pour le climat et la justice sociale, ici, à Marseille, dans la ville que j’aime et dans laquelle je vis. J’ai rejoint Alternatiba il y a 4 ans. J’ai pu m’investir sur de nombreuses campagnes comme celle de la surconsommation par exemple, avec la lutte contre l’implantation d’entrepôts Amazon dans la région ou contre l’omniprésence de la publicité en ville. Aujourd’hui, Je suis particulièrement active dans la lutte contre l’extension de l’aéroport Marseille Provence au sein d’un collectif interassociatif. J’agis également dans l’association des libres nageurs qui milite pour l’accès à la nage en mer à tous et pour la protection du littoral et de la biodiversité marine. Et c’est tout naturellement en tant que scientifique et citoyenne engagée pour le climat que je participe désormais à l’atelier d’écologie politique d’Aix Marseille. C’est donc bien l’ensemble de mon parcours dans le monde scientifique et associatif allié à l’urgence de la situation climatique que nous vivons, qui m’ont donné le courage d’entreprendre une reconversion professionnelle et une réorientation à 180° de ma carrière. De nombreuses voix plaident aujourd’hui pour inclure et prendre en compte l’expertise des scientifiques au niveau local, au sein des collectivités publiques. C’est tout le sens de ma démarche actuelle.

Florence Joly


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Atecopol Aix-Marseille (18 mars 2022). LookUp, 13 mars 2022. Atecopol Aix-Marseille. Consulté le 27 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/d1yc


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